SPAC : Un guide complet pour comprendre ce mode d’investissement innovant
Les SPAC (Special Purpose Acquisition Companies) occupent désormais une place prépondérante dans le paysage financier, constituant une alternative innovante et flexible aux processus classiques d’introduction en bourse. Ces structures, particulièrement prisées ces dernières années, redéfinissent les stratégies d’accès aux marchés financiers, attirant à la fois des entreprises en quête de capitaux et des investisseurs à la recherche d’opportunités inédites. Cet article explore leur définition, leur fonctionnement, ainsi que leur rôle croissant dans le financement d’entreprise.
Qu’est-ce qu’un SPAC ? Définition et rôle dans les marchés financiers
Un SPAC, ou Special Purpose Acquisition Company, est une société sans activité opérationnelle initiale, constituée dans l’unique objectif de lever des fonds via une introduction en bourse pour acquérir ultérieurement une entreprise non cotée.
Les sponsors, généralement des investisseurs ou entrepreneurs chevronnés, montent un SPAC et collectent des capitaux sur les marchés publics. Le tout, sans avoir identifié de cible précise au moment de l’IPO. Les fonds, placés en fiducie, restent donc intacts jusqu’à ce qu’une entreprise soit sélectionnée pour une acquisition. Ce mécanisme offre une passerelle efficace pour transformer une société privée en société cotée, contournant ainsi les complexités souvent associées aux IPO traditionnelles.
Fonctionnement des SPAC : les étapes clés
Les SPAC se distinguent par leur structure et leur processus en plusieurs étapes bien définies. Voici les quatre étapes clés de leur fonctionnement.
Création et levée de fonds
Tout commence par la création d’un SPAC par une équipe de sponsors, généralement composée d’investisseurs institutionnels, d’entrepreneurs ou d’experts de secteurs spécifiques. Ces sponsors injectent leur propre capital pour lancer la structure et élaborer une stratégie d’investissement claire. Ils vont d’ailleurs souvent orienter celle-ci vers un secteur ou une région géographique qu’ils maitrisent.
Une fois constituée, la société est introduite en bourse, où elle lève des fonds auprès d’investisseurs publics. Les sommes récoltées sont placées en fiducie. C’est à dire qu’il est impossible de les débloquer tant qu’une cible n’est pas identifiée. Cela sécurise les investisseurs tout en conférant au SPAC une crédibilité essentielle à ce stade.
Recherche d’une cible
Une fois les fonds levés, les sponsors disposent généralement d’un délai de 24 mois pour identifier une entreprise privée qui répond à leurs critères d’investissement. Ce délai, bien qu’adaptable selon les circonstances, impose une pression pour conclure une transaction rapidement.
Les sponsors doivent démontrer leur expertise en trouvant une entreprise prometteuse capable de se développer en tant qu’entité cotée. Les cibles potentielles peuvent inclure des start-ups en croissance rapide, des entreprises établies souhaitant accéder aux marchés publics, ou des sociétés cherchant à lever des fonds pour financer des projets d’expansion.
Approbation des actionnaires
Lorsque les sponsors identifient une cible et négocient les termes de l’acquisition, ils doivent soumettre la transaction à l’approbation des actionnaires du SPAC. Ce vote est une étape cruciale qui détermine si la fusion ou l’acquisition peut se concrétiser.
Les investisseurs, ayant déjà acheté des actions du SPAC lors de son introduction en bourse, peuvent choisir de voter en faveur ou contre la transaction proposée. En cas de désapprobation, ils ont la possibilité de récupérer leur investissement initial (généralement majoré des intérêts accumulés). Ce mécanisme protège les investisseurs tout en renforçant la transparence et la responsabilité des sponsors.
Fusion et cotation
Une fois la transaction approuvée par les actionnaires, le SPAC et l’entreprise cible fusionnent, ou le SPAC acquiert directement la cible. À l’issue de cette opération, l’entreprise cible devient une entité cotée en bourse. Evidemment, avec tous les avantages que cela implique : accès aux marchés publics, visibilité accrue, et capacité à lever des fonds supplémentaires.
Cette étape marque la conclusion du cycle de vie classique d’un SPAC. Les investisseurs, désormais actionnaires de la société fusionnée, peuvent capitaliser sur sa croissance future ou choisir de céder leurs parts sur les marchés publics. Pour l’entreprise cible, cela signifie un passage accéléré à une structure publique, tout en contournant de nombreux défis traditionnels liés aux IPO classiques.
Si vous envisagez de rejoindre une banque d’investissement, que ce soit en M&A, Leveraged Finance ou financement structuré, notre Formation IB vous permettra d’atteindre vos objectifs. Ce programme exhaustif vous aidera à maîtriser les compétences techniques et les connaissances indispensables pour exceller dans ce secteur exigeant.
Les acteurs clés d’un SPAC et leurs rôles
Le succès d’un SPAC repose sur une collaboration étroite entre plusieurs parties prenantes, chacune jouant un rôle spécifique et stratégique dans le processus. Ces acteurs comprennent les sponsors, les investisseurs, et, à un stade ultérieur, l’entreprise cible. Voici un tour d’horizon des principaux intervenants.
Les sponsors : architectes et stratèges du SPAC
Les sponsors sont les initiateurs du SPAC. Ils constituent l’équipe dirigeante responsable de sa création, de la levée des fonds et de la recherche d’une cible. Ces individus ou entités sont généralement des investisseurs institutionnels, des entrepreneurs aguerris ou des experts sectoriels bénéficiant d’une solide réputation.
En échange de leur engagement et de leur prise de risque initiale, ils reçoivent une part significative du capital du SPAC, souvent appelée « promote » (généralement autour de 20 %). Ce modèle de rémunération, bien qu’attrayant, peut être sujet à des critiques. Surtout si la transaction ne crée pas suffisamment de valeur pour les actionnaires.
Les investisseurs : fournisseurs de capital et décideurs
Les investisseurs jouent un rôle central dans le financement du SPAC et son évolution. Lors de l’introduction en bourse, ils achètent des actions et des bons de souscription, apportant ainsi les fonds nécessaires pour sécuriser une future acquisition.
Ces investisseurs peuvent être des institutionnels (fonds de pension, hedge funds) ou des particuliers attirés par les opportunités de rendement potentiel qu’offrent les SPAC. Ils bénéficient d’un mécanisme de protection unique. Puisque les fonds levés sont placés en fiducie jusqu’à l’approbation de l’acquisition.
De plus, les investisseurs participent activement à la validation du projet, en votant pour ou contre la cible proposée par les sponsors. Cette gouvernance participative est essentielle pour aligner les intérêts des actionnaires avec ceux des sponsors.
L’entreprise cible : la pièce maîtresse du processus
L’entreprise cible est une société privée qui, une fois identifiée et approuvée, devient l’objet de l’acquisition par le SPAC. Elle peut opérer dans divers secteurs, comme la technologie, la santé, ou l’énergie. Ce sont souvent des secteurs avec un fort potentiel de croissance ou un besoin de financement important.
Pour l’entreprise, intégrer un SPAC représente une alternative rapide et moins contraignante qu’une IPO traditionnelle. Elle bénéficie d’une évaluation souvent pré-négociée, ce qui réduit l’exposition à la volatilité des marchés financiers.
Les conseillers et régulateurs : Facilitateurs du processus
Autour des trois acteurs principaux gravitent des conseillers financiers, des avocats, des banquiers d’investissement et des auditeurs. Leur rôle est de structurer l’opération, d’assurer sa conformité réglementaire et de fournir un soutien technique tout au long du processus.
Les régulateurs, comme la SEC aux États-Unis, ou l’AMF en France, jouent également un rôle critique. Ils veillent à ce que les investisseurs soient protégés et que les sponsors agissent de manière transparente. Ces exigences se sont intensifiées ces dernières années, en réponse à l’explosion des SPAC et aux critiques concernant leur gouvernance.
La synergie entre ces parties prenantes est essentielle pour le bon déroulement du processus. Les sponsors définissent la stratégie, les investisseurs fournissent les fonds et valident les décisions, et l’entreprise cible bénéficie des ressources nécessaires pour devenir une société cotée.
Historique des SPAC : Origines, expansion et exemples marquants
Naissance des SPAC dans les années 1980
Créées aux États-Unis dans les années 1980, les SPAC étaient à l’origine perçues comme des véhicules financiers marginaux. Jusqu’en 2019, ils représentaient moins de 20 % des IPO annuelles aux États-Unis. En 2020, un contexte de liquidités abondantes et de taux d’intérêt historiquement bas a propulsé les SPAC à 45 % des IPO américaines, atteignant des records. Cette dynamique a attiré des sponsors de renom, renforçant leur légitimité.
En France, Mediawan a été le premier SPAC en 2016, suivi par des projets comme Accor Acquisition Company et eureKING, qui ont adapté ce modèle aux réalités locales.
L’évolution des SPAC en fonction des conditions de marché
L’intérêt pour les SPAC est étroitement liées aux dynamiques du marché et aux conditions économiques. Leur prolifération ou leur ralentissement dépend directement de l’environnement financier, des flux de liquidités disponibles et de la confiance des investisseurs.
En période de marchés haussiers et de liquidités abondantes, les SPAC connaissent un véritable essor. Les investisseurs, disposant de capital excédentaire, cherchent des opportunités innovantes pour diversifier leurs portefeuilles. Les taux d’intérêt bas, souvent caractéristiques de ces phases, renforcent encore l’attractivité des SPAC. Elles apparaissent alors comme une alternative séduisante aux IPO traditionnelles, grâce à leur simplicité et leur rapidité d’exécution. Les sponsors expérimentés profitent également de cette euphorie pour lever des fonds conséquents, attirant des entreprises de haute qualité prêtes à utiliser ce véhicule pour une entrée en bourse accélérée. C’était le cas entre 2020 et 2021 en France, avec une confiance généralisée des marchés financiers.
Mais beaucoup moins entre 2022 et début 2025. Puisque cette dynamique s’inverse lors des récessions ou des périodes marquées par une volatilité accrue. Les investisseurs deviennent plus prudents, préférant limiter leur exposition aux risques, et les liquidités disponibles se raréfient. Le resserrement monétaire, souvent accompagné d’une hausse des taux d’intérêt, rend le coût d’opportunité plus élevé, ce qui réduit l’attrait des SPAC. Les entreprises elles-mêmes hésitent à utiliser ce modèle dans des conditions incertaines, préférant reporter leur cotation à des périodes plus stables.
Ainsi, les SPAC sont le reflet des cycles économiques et des tendances de marché. Aujourd’hui, les régulateurs renforcent les exigences de transparence, et les investisseurs se montrent plus sélectifs.
Différences entre SPAC et IPO traditionnelle
Les SPAC se distinguent des IPO traditionnelles par leur structure et leur fonctionnement. Ces différences se manifestent particulièrement dans trois aspects majeurs : les coûts, les délais, la flexibilité.
Coûts : Un modèle potentiellement moins onéreux
Dans une IPO classique, les coûts associés sont souvent considérables, incluant les frais de conseil, les roadshows auprès des investisseurs et les commissions des banques d’investissement. À cela s’ajoutent les dépenses liées à la mise en conformité réglementaire et à la préparation de documents détaillés pour le marché.
Avec un SPAC, ces coûts sont généralement plus faibles. Bien que les sponsors reçoivent une part importante du capital en tant que rémunération (« le promote »), les frais liés à la levée initiale de fonds et à l’acquisition sont simplifiés.
Délais : Une rapidité inégalée
Le processus d’IPO traditionnelle peut prendre 6 à 12 mois, en raison des nombreuses étapes nécessaires, notamment la préparation des documents réglementaires, les audits financiers, et la gestion de la volatilité des marchés pendant la phase de lancement.
En revanche, les SPAC permettent d’accélérer significativement ce calendrier. Une fois qu’un SPAC est introduit en bourse, il dispose de fonds prêts à être utilisés, et l’entreprise cible peut être intégrée en quelques mois seulement. Cette rapidité est particulièrement avantageuse pour les entreprises évoluant dans des secteurs où le timing est crucial, comme la tech ou les biotechnologies.
Flexibilité : Un modèle adapté aux besoins des investisseurs et des entreprises
Les SPAC offrent une flexibilité unique, tant pour les investisseurs que pour les entreprises cibles. Du côté des investisseurs, la structure permet d’entrer dans un projet avec une certaine garantie de récupération des fonds si l’acquisition ne leur convient pas. Cette flexibilité, combinée à la possibilité d’investir dans des secteurs spécifiques définis par les sponsors, attire une diversité d’acteurs, des institutionnels aux particuliers.
Pour les entreprises cibles, le modèle SPAC supprime une partie des incertitudes associées aux IPO traditionnelles. Puisqu’on peut souvent négocier la valeur de l’entreprise à l’avance. Ce qui protège la société des fluctuations de marché qui peuvent affecter le prix des actions lors d’une IPO. Cette prévisibilité simplifie la planification stratégique et financière, tout en offrant une porte d’accès rapide aux marchés publics.
Enfin les investisseurs dans un SPAC achètent des actions sans connaître à l’avance la cible finale. Si cette incertitude peut être perçue comme un risque, elle est compensée par la transparence accrue dans la gestion des fonds et la mise en fiducie des sommes investies.
L’intérêt et les limites des SPAC pour chaque partie prenante
Afin d’éviter les redondances et pour une meilleure lisibilité, voici un résumé des avantages et inconvénients des SPAC pour les différentes parties prenantes :
Avantages pour les investisseurs
- Les capitaux levés sont placés en fiducie, offrant une protection avant l’acquisition.
- Les investisseurs accèdent à des entreprises prometteuses ou innovantes, souvent absentes des IPO classiques.
- Les investisseurs peuvent récupérer leur mise initiale si la cible ne leur convient pas.
Inconvénients pour les investisseurs
- Après la fusion, les investisseurs subissent souvent une dilution significative. Cette dernière s’explique par la part importante de « promote » attribuée aux sponsors (environ 20 %). Ce qui réduit donc leurs rendements potentiels.
- Performances post-fusion : Les SPAC sous-performent souvent les benchmarks de marché après leur acquisition. Ce phénomène est notamment dû à la variabilité de la qualité des cibles choisies. Cette instabilité nuit particulièrement aux investisseurs initiaux.
- Incertitude : Investir dans un SPAC revient à faire un pari sur la capacité des sponsors à trouver une cible viable. Bien sûr, en l’absence de deal conclu, aucune garantie de succès n’est possible.
Avantages pour les sponsors
- Les sponsors disposent d’une grande liberté pour définir leurs objectifs et choisir une cible.
- Le modèle de « promote » leur garantit une rémunération significative (jusqu’à 20 % des actions). Et ce, même si la performance post-acquisition est médiocre.
- Les sponsors expérimentés bénéficient d’un fort pouvoir d’attraction auprès des investisseurs, renforçant leur crédibilité sur le marché.
Inconvénients pour les sponsors
- En cas de mauvaise performance post-fusion, les sponsors peuvent voir leur réputation entachée, impactant leurs futures levées de fonds.
Avantages pour l’entreprise cible
- Une cotation via SPAC peut être réalisée en 3 à 4 mois. Contre 6 à 12 mois pour une IPO classique.
- Les frais d’une fusion SPAC sont souvent inférieurs à ceux d’une IPO traditionnelle, notamment grâce à un processus administratif simplifié.
Inconvénients pour l’entreprise cible
- Mauvaise perception sur le marché : Les SPAC sont parfois perçues comme des « coquilles vides ». Ce qui peut nuire à l’image de l’entreprise cible après sa cotation.
- Mauvaise gestion ou des attentes irréalistes peuvent conduire à une baisse significative de la valeur de l’entreprise une fois cotée.
Les SPAC à connaître
SPAC en France
- Mediawan : Lancé en 2016 par Xavier Niel, Matthieu Pigasse et Pierre-Antoine Capton, Mediawan est le 1er SPAC en France. L’équipe fondatrice a réussi une levée de 250 millions d’euros pour acquérir le Groupe AB. Un acteur majeur de la production et distribution audiovisuelle en Europe francophone et en Afrique.
- Accor Acquisition Company : Lancé en 2021 par le groupe Accor, ce SPAC cible des acquisitions dans les secteurs de la restauration, du flex-office, du bien-être, du divertissement, de l’événementiel ou des technologies liées à l’hôtellerie.
- eureKING : Introduit en mai 2022 sur Euronext Paris, eureKING est le premier SPAC français dédié à la bioproduction dans le secteur de la santé, ayant levé 150 millions d’euros.
- I2PO : Créé en 2021, ce SPAC est dédié au secteur du divertissement et des loisirs. Il a fusionné avec Deezer en 2022 et a été renommé Deezer suite à cette acquisition.
SPAC à l’international
- Pershing Square Tontine Holdings : Lancé en juillet 2020 par l’investisseur Bill Ackman, ce SPAC a levé 4 milliards de dollars. Il se positionne donc comme l’un des plus grands de l’histoire américaine.
- Digital World Acquisition Corp. : En janvier 2023, ce SPAC américain a finalisé sa fusion avec Trump Media & Technology Group, valorisant l’entreprise à environ 875 millions de dollars.
- Cazoo : Cette plateforme britannique de vente de voitures en ligne a annoncé en 2021 son intention de s’introduire en bourse via une fusion avec le SPAC AJAX I. La valorisation de l’entreprise a atteint les 7 milliards de dollars. Mais en mai 2024, après des pertes importantes et une chute de 99.9 % de la valeur de ses actions, l’entreprise s’est placée sous administration judiciaire.