Guide complet du TRI : Taux de Rentabilité Interne
Le Taux de Rentabilité Interne (TRI) est un indicateur clé en finance d’entreprise, utilisé par les professionnels de l’investissement pour évaluer la rentabilité des projets et prendre des décisions d’allocation de capital. Mais savez-vous réellement ce qui se cache derrière ces trois lettres ? Comment le TRI est-il calculé et interprété ? Quelles sont ses forces mais aussi ses limites ? Dans cet article, nous vous proposons un tour d’horizon complet du TRI, illustré par des exemples concrets. Que vous soyez étudiant en finance, dirigeant d’entreprise ou junior sur les sujets d’investissement vous trouverez ici de quoi mieux comprendre et utiliser cet indicateur incontournable.
Qu’est-ce que le TRI ?
Le Taux de Rendement Interne, aussi connu sous l’acronyme anglais IRR (Internal Rate of Return), est un indicateur financier essentiel utilisé par les professionnels de la finance d’entreprise. Le TRI permet d’évaluer la rentabilité d’un projet d’investissement et de comparer différents projets entre eux. Restez jusqu’au bout de l’article, à la fin vous comprendrez clairement ce qu’est le TRI, les différentes manières de le définir, de le calculer et de l’utiliser en Private Equity ou banque d’affaires.
1ère définition : approche théorique et formule du TRI
Le TRI se définit comme le taux d’actualisation qui annule la Valeur Actuelle Nette (VAN) d’un investissement. La VAN, ou NPV en anglais (Net Present Value), correspond à la somme de tous les flux financiers (positifs comme négatifs) générés par un projet, actualisés à un taux donné.
Où :
- CFt est le flux de trésorerie à l’instant t
- k est le taux d’actualisation
- N est le nombre de périodes
Mathématiquement, le TRI est donc le taux k tel que :
VAN = 0
donc :
2ème définition : le TRI du point de vue des investisseurs
La définition présentée plus haut est celle qu’on retrouve dans la très grande majorité des livres et des cours de finance ainsi que sur internet. Néanmoins derrière cette définition trop théorique, les investisseurs en VC et PE ainsi que les banquiers d’affaires ont une approche bien plus concrète.
Le TRI est le taux de croissance annuel moyen de l’argent investi.
Pour un capital investisseur, le TRI représente le taux de croissance annuel moyen de la valeur des capitaux propres investis dans un projet ou une entreprise, entre le moment de l’investissement initial et celui de la sortie.
Dans le cas simplifié où il n’y a que l’investissement initial et le produit de cession final (pas de revenus intermédiaires), le TRI se calcule à partir de la formule suivante :
Avec :
- VFP : Valeur des Fonds Propres
- N : durée de l’investissement en années
Cette formule peut aussi s’exprimer en fonction du multiple réalisé sur l’investissement. On parle de multiple CoC (Cash on Cash return) :
Où CoC = Valeur de Sortie / Valeur d’Entrée.
Exemple de calcul de TRI
Imaginons un investissement de 5M€ réalisé dans une startup en début d’année 1, revendu 20M€ en fin d’année 4.
Le CoC est de 20/5 = 4x
Le TRI est donc de (4)^(1/4) – 1 = 41,4% par an
Calcul du TRI avec des flux intermédiaires
Lorsqu’un projet d’investissement génère des flux financiers intermédiaires, tels que des dividendes ou des frais de gestion par exemple, la formule simple du TRI basée uniquement sur l’investissement initial et le produit de cession final n’est plus applicable. Dans ce cas, il est nécessaire d’utiliser des outils spécifiques pour déterminer le TRI à partir de l’ensemble des flux.
C’est là qu’Excel intervient. Il propose plusieurs fonctions dédiées au calcul du TRI dans ce type de situations :
– La fonction Excel TRI : Elle prend en entrée une série de flux financiers et renvoie le taux de rendement interne correspondant. Cependant, cette fonction considère que les flux sont régulièrement espacés dans le temps (par exemple, des flux annuels), ce qui peut conduire à une imprécision si les intervalles entre les flux sont irréguliers. C’est pourquoi, dans la majorité des cas je vous invite à ne pas utiliser cette fonction.
– La fonction Excel TRI.PAIEMENTS ou XIRR si vous avez paramétré Excel en anglais. Cette fonction est plus précise car elle permet de spécifier les dates exactes auxquelles interviennent les différents flux. Elle tient donc compte de la « timeline » réelle du projet. Ce qui est particulièrement important lorsque les flux ne sont pas répartis de façon homogène dans le temps.
Pour utiliser ces fonctions, il suffit de renseigner dans une colonne Excel les montants des différents flux, avec une valeur négative pour l’investissement initial (ou les flux sortants) et des valeurs positives pour les flux entrants (produit de cession, dividendes, frais de gestion, intérêts perçus, etc.). La fonction TRI.PAIEMENTS est ensuite appliquée à la plage de cellules contenant ces flux et à celle contenant les dates. Voyons un exemple pour éclaircir tout ça.
Un exemple de calcul de TRI modélisé sur Excel
Un fonds de Private Equity a réalisé un investissement le 31/12/2024 dans une entreprise, pour un montant total de 50 millions d’euros. Cet investissement se compose de deux parties :
- Une partie en fonds propres (equity) : Le fonds acquiert des actions de l’entreprise qu’il pourra revendre à la sortie.
- Une partie obligataire : Le fonds souscrit à des obligations convertibles (OC) émises par l’entreprise. Une obligation convertible est un instrument financier hybride qui présente des caractéristiques d’une obligation classique (versement d’intérêts réguliers et remboursement du principal à l’échéance) mais qui peut aussi être converti en actions sous certaines conditions. Dans notre cas, les OC sont remboursées au moment de la sortie.
Sur la durée de l’investissement, le fonds anticipe les flux financiers suivants :
- Intérêts annuels sur les OC : Chaque année de 2025 à 2029, l’entreprise versera au fonds des intérêts sur la partie obligataire de l’investissement. Dans notre exemple, ces intérêts s’élèvent à 2 millions d’euros par an.
- Remboursement des OC : À l’échéance des obligations convertibles, le 31/12/2029, l’entreprise remboursera au fonds le principal de la dette + les intérêts de la dernière année, soit 38 millions d’euros.
- Cession de la participation : Le fonds prévoit de revendre sa participation dans l’entreprise le 31/12/2029, anticipant un produit de cession (valeur de sortie de l’equity) de 95 millions d’euros.
Calcul du TRI avec formule Excel
Pour calculer le TRI de cet investissement, on utilise la fonction TRI.PAIEMENTS ou XIRR d’Excel. On va renseigner pour ça les flux financiers et leurs dates :
= XIRR (Ensemble de la ligne des flux de l’investisseur ; Ensemble des dates associées aux flux).
La fonction XIRR ou TRI.PAIEMENTS renvoie un TRI de 24,3%, ce qui signifie que sur la période d’investissement (2024-2029), le fonds aura obtenu un rendement annuel moyen de 24,3% sur les capitaux investis.
À quoi sert le TRI en finance d’entreprise ?
Le TRI est un outil d’aide à la décision très utilisé par les investisseurs, les analystes financiers et les dirigeants pour :
- Mesurer la performance annualisée d’un investissement en tenant compte de tous les flux
- Comparer la rentabilité de différents projets d’investissement
- Décider d’allouer du capital à un projet plutôt qu’un autre.
TRI vs autres indicateurs financiers
IRR vs VAN (Valeur Actuelle Nette)
Alors que l’IRR (ou TRI en français) est un taux de rendement exprimé en pourcentage, la VAN est une valeur exprimée en unités monétaires. Ce sont donc deux outils d’analyse financière qui permettent d’évaluer la rentabilité d’un investissement. Mais ils répondent à des objectifs différents. On l’a vu plus haut, la VAN représente la somme des flux actualisés à un taux donné (le coût du capital par exemple).
Un projet est jugé rentable si sa VAN est positive au taux d’actualisation choisi. Le TRI est le taux d’actualisation qui annule la VAN.
Le choix entre VAN et TRI dépend donc du contexte :
- La VAN quantifie la création de valeur en montant absolu. En résumé, la VAN permet de répondre à la question : « Combien ce projet spécifique va-t-il rapporter en valeur absolue, compte tenu de mon coût du capital ? »
- Le TRI permet de comparer des projets de tailles et durées différentes sur un critère de performance relative. Le TRI permet notamment de répondre à la question : « Quel projet offre le meilleur rendement annuel ? »
IRR vs Multiple Cash-on-Cash
Cas ou l’IRR est plus pertinent que le multiple CoC
On l’a vu plus haut également, le multiple Cash-on-Cash (CoC) mesure le rapport entre produit de cession et investissement initial. C’est donc un ratio qui exprime le rendement global de l’investissement, indépendamment de sa durée.
Prenons l’exemple d’un investissement de 1 million d’euros qui génère un produit de cession de 3 millions d’euros. Le multiple CoC est de 3x, ce qui signifie que l’investisseur a triplé sa mise initiale.
Cependant, cette information est incomplète car elle ne prend pas en compte le temps qu’il a fallu pour obtenir ce résultat. Un multiple de 3x obtenu en 5 ans est bien plus performant qu’un même multiple de 3x obtenu en 10 ans.
Contrairement au multiple CoC, le TRI intègre donc la notion de durée d’investissement. Il mesure le taux de rendement annuel moyen de l’investissement, en tenant compte de la date et du montant de chaque flux (investissement initial, produit de cession, éventuels revenus intermédiaires).
Reprenons l’exemple précédent et ajoutons une dimension temporelle :
- Projet A : CoC = 3x obtenu en 5 ans, soit un TRI de 25%
- Projet B : CoC = 3x obtenu en 10 ans, soit un TRI de 12%
Cas ou le multiple CoC est plus pertinent que l’IRR
Si le TRI apparaît comme un indicateur plus complet que le multiple CoC, ce dernier reste néanmoins utile dans certains cas :
- Pour les investissements de très court terme (quelques mois), le TRI peut donner des résultats très élevés et difficilement interprétables. Le multiple CoC permet alors de relativiser la performance.
- Le multiple CoC est plus facile à appréhender et à communiquer. « Doubler sa mise » est un concept parlant pour tout investisseur. C’est donc un bon complément pédagogique au TRI.
- Pour comparer des investissements de durées similaires, le multiple CoC peut suffire.
En pratique, les deux indicateurs sont donc complémentaires et souvent présentés conjointement dans les analyses financières. Même si le TRI reste l’indicateur le plus pertinent pour comparer des investissements de durées différentes.
Qu’est-ce qu’un bon TRI ?
Evidemment la notion de « bon » TRI est relative et dépend du contexte propre à chaque investisseur. En effet, le TRI doit être apprécié au regard du coût d’opportunité.
Prenons l’exemple d’un investisseur immobilier. Un projet au TRI de 8% peut être jugé intéressant si les autres opportunités immobilières comparables offrent un rendement de 5%. A l’inverse, un TRI de 12% peut être insuffisant si des projets similaires génèrent des TRI de 15%.
Cette comparaison suppose néanmoins que les projets considérés soient de risque et de complexité équivalents. Un projet moins risqué ou demandant moins d’efforts de gestion pourra passer même si son TRI est légèrement inférieur.
Le meilleur TRI n’est pas nécessairement le plus élevé dans l’absolu. Mais celui qui permet d’optimiser l’allocation des ressources compte tenu du profil de risque et de rendement de chaque investisseur.
Limites du TRI et précautions
Bien que le TRI soit un indicateur très utile pour évaluer la rentabilité d’un investissement, il comporte néanmoins certaines limites qu’il est important de garder à l’esprit. Voici les principales :
- Le calcul du TRI repose sur des projections de flux futurs, qui sont par nature incertains. Plus l’horizon de temps est lointain, plus cette incertitude est grande. C’est le cas pour le Business Plan dans son ensemble. Rien ne nous assure qu’il se réalise vraiment et c’est pourquoi on fait généralement des modèles à plusieurs scénarios suivi d’une sensibilisation du TRI en fonction des paramètres de rentabilité et de sortie d’investissement. D’ailleurs dans chacune de nos formations en finance vous retrouverez des cas Excel pour apprendre à modéliser proprement cette partie. On en reparle en fin d’article.
- Chercher à maximiser le TRI peut conduire à privilégier des projets à forte rentabilité mais aussi à haut risque. Il est important de mettre le TRI en perspective avec le profil de risque de l’investisseur et ses objectifs stratégiques à long terme.
- Le TRI est un indicateur relatif qui ne tient pas compte de la taille absolue des projets. Entre deux projets de même TRI, il faut privilégier celui qui génère la VAN la plus élevée. C’est-à-dire celui qui crée le plus de valeur en montant absolu. Faire un TRI de 100% sur 100€ c’est sympa. Faire un TRI de 25% sur 100m€ ça n’a absolument rien à voir.
- Comme tout critère purement financier, le TRI doit être mis en perspective avec d’autres éléments stratégiques, commerciaux, humains, éthiques… qui peuvent justifier de retenir un projet moins rentable.
Autres critères de décision
- Le niveau de risque : à TRI égal, on préfère généralement les projets les moins risqués.
- Les aspects extra-financiers : l’impact social, environnemental et de gouvernance (ESG) est de plus en plus pris en compte par les investisseurs et peut amener à nuancer le choix basé sur le TRI uniquement.
- L’impact stratégique : certains projets peuvent avoir une rentabilité faible mais être indispensables pour acquérir un nouveau marché, une technologie ou un savoir-faire.
Un exemple concret pour illustrer ce point
Voici un exemple concret pour illustrer l’impact stratégique et environnemental d’un projet malgré une rentabilité financière faible :
Imaginons le cas d’une entreprise industrielle leader sur le marché des moteurs thermiques. Cette entreprise est consciente que la transition énergétique va progressivement faire baisser la demande pour ses produits. Pour assurer la pérennité de l’entreprise à long terme, la direction envisage d’investir dans un projet de R&D pour développer une nouvelle gamme de moteurs électriques.
Après étude du projet, il s’avère que ce dernier présente un TRI de seulement 5%. D’un point de vue purement financier, le projet devrait donc être rejeté.
Cependant, ce projet revêt un caractère stratégique crucial pour l’entreprise :
- Il lui permet de prendre position sur le marché d’avenir des moteurs électriques. Et évidemment de commencer à développer son expertise dans ce domaine.
- Il envoie un signal fort aux clients, aux investisseurs et aux autorités publiques sur l’engagement de l’entreprise dans la transition énergétique. Ce qui peut renforcer son image et sa réputation.
- Il prépare l’avenir en anticipant la baisse très probable des ventes de moteurs thermiques.
- Il évite à l’entreprise de prendre trop de retard sur ses concurrents
Dans ce cas, il peut être pertinent pour l’entreprise de réaliser le projet malgré un TRI inférieur aux attentes financières. En bref, la création de valeur stratégique à long terme compense probablement la destruction de valeur économique à court terme.
Pour conclure sur l’IRR
Que l’on soit investisseur professionnel, entrepreneur ou dirigeant, maîtriser le concept de TRI est indispensable pour prendre les bonnes décisions d’investissement et piloter efficacement la création de valeur. On a vu ensemble la définition du TRI, la manière de le calculer, de l’interpréter et de l’utiliser pour évaluer et comparer des projets d’investissement.
Mais il est important de noter que le TRI n’est qu’une des nombreuses étapes d’un modèle financier. Sa pertinence repose sur une approche méthodique qui intègre d’autres indicateurs essentiels. Dans nos formations en Private Equity, M&A ou Transaction Services, nous approfondissons ces notions au travers de cas pratiques concrets et d’exercices issus d’entretien en finance. Voici un aperçu des compétences et techniques que nous abordons :
- Élaboration de Business Plans intégrant plusieurs scénarios et projections financières détaillées.
- Calcul des indicateurs clés et sensibilisation aux hypothèses, notamment en fonction des scénarios de sortie.
- Cas sur les formules Excel, le modèle DCF, le calcul de WACC, la construction de tableaux de comparables, de CF statement…
Nos formations incluent également des modules approfondis en comptabilité, finance et structuration, couvrant tout le spectre des compétences nécessaires pour exceller en finance d’entreprise. Que vous souhaitiez renforcer vos compétences techniques, changer de secteur en finance ou maximiser vos chances de rejoindre une banque d’investissement, un cabinet de conseil financier ou un fonds de Private Equity, nous avons conçu des parcours sur mesure pour répondre à vos ambitions.
Explorez nos formations :
- Formation PE-VC : Pour maîtriser les enjeux du Private Equity et du Venture Capital.
- Formation en Banque d’Investissement : Conçue pour ceux qui visent les métiers en M&A, financements structurés ou Leveraged Finance.
- Formation en Conseil Financier (TAS) : Idéale pour les apprenants intéressés par le Transaction Services et Restructuring et Valorisation.